Écrivain doué de diversité, Hervé Jaouen sait aussi endosser le rôle de traducteur quand il s’agit de sa terre d’élection, l’Irlande, qui occupe une grande place dans son œuvre. «Le destin d’un livre comme celui-ci dans des langues étrangères est souvent une affaire de hasard et de passion.» Grâce à Hervé Jaouen, les deux sont réunis ici pour nous livrer ces "Lettres de la Grande Blasket", d’Elisabeth O’Sullivan ou Eibhlís Ní Shúilleabháin.
La Grande Blasket : au sud-ouest de l’Irlande, un gros rocher désolé où quelques familles vivent de la pêche, de la récolte de la pomme de terre et de maigres céréales, et se chauffent à la tourbe, quand les intempéries permettent qu’elle sèche… Pendant vingt ans, de 1931 à 1951, Elisabeth O’Sullivan confie à George Chambers, un lettré anglais, des bribes de son quotidien sur l’île, évidemment banal pour la jeune femme, tout à fait singulier pour n’importe quel autre lecteur. Véritable petit chef-d’œuvre inédit en français, les Lettres de la Grande Blasket décrivent les vingt dernières années de la vie dans l’île, dictée par les saisons, les tempêtes et les privations. Hervé Jaouen s’est attaché à conserver toute la saveur et les intonations de l’anglais maladroit d’Eibhlís Ní Shúilleabháin, influencé par l’irlandais. À la lecture, la ponctuation surprend, les tournures de la jeune femme font sourire. Mais nous voici, sans y prendre garde, sous le charme de ses confidences, et avec elle le cœur en berne, face au déclin irrémédiable d’une île qu’il faudra se résoudre à quitter.